AVANT PROPOS
Dans l’esprit des dirigeants alliés et de leurs
chefs militaires l’offensive principale contre la forteresse
Europe", c’est évidemment le débarquement de Normandie. Aussi le
général américain Eisenhower, commandant suprême des forces alliées
en assure personnellement la direction. Au départ, Overlord - c’est son nom de code - l’emporte largement par son impact
psychologique et l’importance des moyens engagés sur Dragoon. Ce
débarquement en Provence apparaît comme une opération complémentaire ;
son commandant en chef est le général Anglais Sir Maitland Wilson. Il n’interviendra
guère dans la bataille, accordant une large délégation à son
commandant des forces terrestres, le général américain Patch, lui-même
commandant la 7ème Armée US et auquel le général de Lattre de Tassigny
qui commande la 1ère Armée Française est subordonné. Mais voilà que
de Lattre, dans une chevauchée irrésistible, va transformer Dragoon en
action déterminante pour la libération d’une grande partie de la
France. Les plans alliés donnaient à de Lattre un mois pour s’emparer
de Toulon (à J + 20)
puis de Marseille. Ces deux villes seront libérées simultanément en
moins de deux semaines. Mieux encore le 3 septembre, les Français seront
à Lyon et leur avance foudroyante obligera l’ennemi à évacuer
précipitamment ses forces stationnées à l’Ouest du Rhône et au Sud
de la Loire.
En vérité, cette victoire en Provence permise par le
débarquement des Alliés et l’action des résistants de l’intérieur
est l’oeuvre d’un homme, de Lattre, mais aussi d’une multitude.
Sous ses ordres, ses artisans furent les vétérans des
campagnes d’Erythrée, de Libye, de Tunisie et d’Italie de la 1ère
Division Française Libre, celle qui n’avait jamais cessé de se battre,
les Français d’Afrique du Nord de la 3e Division d’Infanterie
Algérienne, auréolés comme leurs camarades musulmans de la gloire
conquise en Tunisie et en Italie sous les ordres du général Juin, les
marsouins de la 9e Division d’infanterie Coloniale, héros de l’extraordinaire
épopée de 1’Ile d’Elbe, les commandos du Bataillon de Choc,
libérateurs de la Corse et qui à 1’Ile d’Elbe avaient encloué des
canons comme sous l’Empire, les Commandos d’Afrique et le Groupe Naval
d’Assaut, démons de l’aube, premiers à débarquer, tous des
super-volontaires, évadés de France pour la plupart et qui avaient
risqué mort et tortures pour avoir le droit de se faire tuer... A leurs
côtés, luttèrent les combattants de l’ombre, descendus de leur maquis
ou simplement sortis de leur domicile avec un brassard à Croix de
Lorraine pour uniforme, un armement souvent dérisoire mais avec la foi
qui soulève les montagnes.

L’ENNEMI
Arrivés sur les côtes du Sud de la France en novembre
1942, les occupants s’étaient hâtés d’en organiser la défense. En
rien comparable à la puissance défensive du Mur de l’Atlantique, un
dispositif de défense, sans aucune profondeur, mais qui s’étendait de
Menton à Perpignan fut néanmoins réalisé. En plus des deux secteurs
fortifiés de Toulon et de Marseille il y avait de nombreux emplacements
de batteries d’artillerie avec des pièces de gros calibres dont celles
de Saint-Mandrier qui portaient à 35 kilomètres..., des nids de
mitrailleuses, des blockhaus, des tranchées, des champs de mines. A coup
d’explosifs, des maisons du bord de mer furent détruites, des bois de
pins parasols rasés pour dégager les champs de tir...
A la veille du débarquement du 15 août, la XIXe
Armée allemande du général Wiese, dont le poste de commandement est à
Avignon compte 250 000 hommes après les incessantes ponctions opérées
au profit du front de Normandie. Un corps d’armée est étalé entre
Menton et Marseille soit environ 100 kilomètres de secteur par division.
Les réserves sont très insuffisantes : une division blindée, la 110
Panzer arrivée en renfort la veille du 15 et deux divisions d’infanterie
L’aviation est réduite à 150 appareils. Quant à la Kriegsmarine, elle
vient de perdre 4 sous-marins sur les 8 qui restaient à Toulon. Elle a
encore 6 torpilleurs, quelques vedettes lance-torpilles et 15
patrouilleurs.
Le Haut-Commandement allemand hésite sur la conduite
à tenir, il semble qu’un plan de "décrochage" général en
France ait été écarté au profit de la "résistance par tous les
moyens" sur les côtes du midi de la France. L’imminence d’un
débarquement, en raison du retrait des divisions US et françaises du
front d’Italie ne lui a d’ailleurs pas échappé. Mais avec peu de
moyens de reconnaissances et de renseignements, il lui est difficile d’en
préciser le lieu Riviera italienne ? ou française ? Pourtant deux
appareils de la Lufwaffe ont signalé deux grands convois au sud d’Ajaccio
près du Cap Senetose. Leurs agents de renseignements donnent le 15 août
comme date du jour J.
Autre facteur défavorable pour les Allemands, depuis plus de trois mois la zone de la XIXe Armée est soumise aux
bombardement stratégiques des Alliés. Plus de 12.500 tonnes de bombes
sont larguées sur les lignes de communications, les ports, les usines,
les terrains d’aviation. Après le raid massif sur Toulon du 29 avril,
les bombardements sont intensifiés. Le 6 août, 360 tonnes de bombes sont
déversées, pendant 8 heures, sur Toulon, anéantissant 4 sous-marins...
C’est un des épisodes de l’attaque générale qui est menée par une
aviation forte de 5.000 appareils. Elle a débuté le 4 août, s’étendra
le 1l Août à tout le littoral et se terminera le 15 août à 3h30, juste
avant le débarquement.
LA RESISTANCE DANS LE VAR
Le Var est couvert depuis de longs mois par de nombreux
réseaux et mouvements. Des groupes de résistance existent dans presque
toutes les localités. Quelques maquis (AS et FTP) stationnent dans le
nord du département. L’ensemble est soumis à l’autorité du Comité
Départemental de la Libération. Créé par Henri Sarie, futur préfet du
département, présidé par Frank Arnal, il est l’un des premiers de
France. Sous ses ordres, combattent les FFI dirigés par le Capitaine
Salvatori.
Ce dispositif s’est mobilisé le 6 juin,
conformément aux ordres reçus et dans l’attente d’un débarquement
que l’on pensait imminent sur nos côtes. Près de 500 FFI de la région
toulonnaise sont rassemblés au nord de la ville, dans le maquis de Siou
Blanc, préparé de longue date par Salvatori et le CDL (Louis Picoche,
chef du Service maquis, Amigas, secrétaire des MUR, le Dr. Lagier). En l’absence de parachutages et de débarquement, menacés par l’attaque
que les Allemands préparent, les résistants reçoivent l’ordre de
dispersion, mais 1l d’entre eux seront tués ou fusillés et plusieurs
responsables arrêtés.
Pourchassés, en butte à une répression sévère qui
les a partiellement désorganisés, les resistants viennent de vivre les
semaines les plus longues, parfois les plus tragiques de la guerre.
Dans ce combat, le rôle des réseaux de Renseignement
est trop souvent oublié. Dépendant de divers services français et
étrangers, ils ont permis de suivre avec précision l’évolution de l’ordre
de bataille ennemi et l’avancement des travaux de défense. Parmi les
nombreux réseaux, citons :
le réseau Alliance (Ingénieurs des Travaux Maritimes Thorel
et Michaud, enseigne de vaisseau Grandmanche, embauché par une firme
hollandaise de renflouement d’épaves et premier-maître Darnet, ce
dernier recevra la Distinguished Service Medal).
- - la branche "Marine" du réseau F2,
servie par des ouvriers de l’arsenal et illustrée par le Capitaine
de Vaisseau Trolley de Prévaux qui vient d’être fusillé à Lyon
avec son épouse.
- - le réseau Sosie des frères Ponchardier
renseignés par l’ingénieur Veyssiere, Directeur des Chantiers de
la Seyne , et par l’ingénieur de l’artillerie
navale Braudel.
- - le réseau fondé par le Capitaine de
Frégate Vaillant (qui mourra en déportation) au
sein même de la Sûreté Navale à Vichy (sic), repris par le
Capitaine de Corvette Blouet et dirigé à Toulon par le Capitaine de
Corvette Baudoin.
- le SR des Mouvements Unis de la Résistance dirigé par Frank Arnal
qui travaille en liaison avec l’enseigne Sanguinetti par l’intermédiaire
de l’inspecteur Vigier. C’est ce dernier qui centralise, filtre et
rend exploitables les informations. Ce sont les ultimes renseignements
recueillis que porte à Alger le lieutenant de vaisseau Midoux, parti
en avion près d’Apt, le 5 août . Il est
membre de la mission antisabotage du port de Toulon (dirigée par le
lieutenant de vaisseau de La Ménardière) venue
renforcer la résistance locale en juillet. Ces renseignements sont si
précis que Midoux a été expédié aussitôt en Corse où à bord du
"Catoclin" bâtiment de commandement de l’opération
Dragoon (débarquement de Provence), on travaille dans la fièvre pour
les communiquer aux unités qui vont débarquer.... le surlendemain.
PRELUDE A LA BATAILLE
Dans la nuit du 14 ou 15 août 1944, les Commandos d’Afrique
du colonel Bouvet submergent les défenses allemandes au Cap Nègre et au
Rayol Canadel. De leur côté les Spécial Service Forces américaines
investissent les îles de Port-Cros et du Levant. Malheureusement le
Groupe Naval d’Assaut qui a abordé là côte près d’Anthéor est
décimé dans un champ de mines, tout récemment posé.
Pendant ce temps, la division aéroportée américaine
du général Frederick est larguée dans la plaine du Muy ; elle s’empare
de ses objectifs puis vient en aide aux FFI qui ont libéré Draguignan.
Par suite d’une erreur qui va se révéler bénéfique, plusieurs sticks
de parachutistes sautent près de Saint-Tropez pour enlever de haute lutte
une batterie de DCA et deux batteries de côte avant de participer à la
libération de la cité du Bailli de Suffren.
Au lever du jour, après un intense bombardement
aérien et naval, le VIème Corps U.S. du général Truscott avec le
Combat Command français du général Sudre (1ère DB) prend pied sur les
plages entre Pampelonne et Anthéor. Le débarquement prévu à Fréjus a
été annulé en raison d’une forte résistance et les unités aussitôt
réparties entre les autres plages.
Au soir du 15, deux têtes de pont sont solidement
tenues de part et d’autre de l’embouchure de l’Argens. Elles se
rejoindront le lendemain.
A partir de là, les trois divisions américaines - la 3ème, la 36ème et la 45ème- et la Task Force de
Buttler fonceront vers l’ouest et le nord alors que le Combat Command I
de Sudre prend le Luc le 17, file vers Carcès, Saint-Maximin, puis
rejoint les hommes de de Lattre qui ont relevé la 3ème division U.S dans
la vallée du Gapeau.
Et l’Armée de Lattre ?
Un premier échelon a débarqué le 16 à la
Croix-Valmer, Sylvabelle (1ère DFL), et à la Foux (3ème D.I.A., Q.G. de
l’Armée et un second Combat Command de la 1ère D.B.). Aiguillonnés
par leur chef, tous foncent aussitôt vers l’Ouest et, dès le 18,
entreprennent une "relève en marchant" des unités
américaines. Ce même jour, vers 22 heures, le général de Lattre voit
arriver à son P.C. de Cogolin "une sorte de bandit corse, maigre et
fiévreux"(J. DE LATTRE Histoire de la
Première Armée Française. P63) qui se présente enseigne de
vaisseau Sanguinetti. Emissaire du capitaine de corvette Baudouin, il est
porteur d’une information capitale :
"L’ennemi a concentré ses forces entre Toulon
et Hyères, face à l’Est, devinant les intentions alliées qui
consistent à progresser dans la zone côtière pour bénéficier de l’appui
des canons de marine. En revanche la région au Nord de Toulon est
dégarnie".
De Lattre se rend aussitôt au P.C. du
général Patch et lui arrache un accord qui modifie radicalement le plan
du grand Etat Major.
L’assaut frontal initialement seul prévu sera
doublé d’un vaste mouvement enveloppant par le Nord.
Une manoeuvre audacieuse, téméraire, car de Lattre ne
dispose pour l’heure que de 16.000 hommes, 30 chars et 80 canons face au
25.000 combattants de l’amiral Ruhfus qui a pris le commandement du camp
retranché de Toulon, mais cette audace-là va payer.
L’INVESTISSEMENT DE TOULON
Dans l’après-midi du 17 Août, l’Armée Française
se met en marche vers l’Ouest. Le plan du général De Lattre est
extrêmement osé. Un groupement commandé au début par le général De
Larminat et comprenant la 1ère Division Française Libre et la 9e
Division d’Infanterie Coloniale attaquera de front le dispositif
allemand pour créer un véritable abcès de fixation. Pendant ce temps,
la 3e Division d’Infanterie Algérienne que commande le général de
Goislard De Monsabert, renforcée du Bataillon de Choc, contournera Toulon
par le Nord et se rabattra vers la mer au Nord-Ouest.
Le camp retranché sera pris dans une tenaille. Pour
compenser la faiblesse de ses effectifs, De Lattre dispose d’appuis
aériens et surtout des canons des marines alliées. L’amiral Ruhfus,
lui, a dans sa manche une grosse carte, la batterie de 340 m/m du Cap
Cepet. Deux pièces sur quatre ont été sabotées par les ouvriers de l’Arsenal
mais les deux autres peuvent tirer à 34 kilomètres. C’est d’ailleurs
à cause d’elles que les plages du débarquement ont été choisies si
loin de Toulon.
LA 1ERE D.F.L. : ATTAQUE DE FRONT
La 1ère Division Française Libre a reçu la mission
la plus périlleuse : elle est chargée d’enfoncer le côté le plus
solide de la défense allemande. Ses hommes ont l’habitude des tâches
impossibles ; ils l’ont prouvé à Karen,
Bir Hakeim, Takrouna, ou Garigliano. Ils ont porté sous tous les cieux la
Croix de Lorraine.
Légionnaires de la campagne de Norvège, artilleurs,
fusiliers-marins, marsouins venus d’Afrique Equatoriale, de Djibouti, de
Nouvelle-Calédonie, de Tahiti, du Levant, des Antilles, ils représentent
ce qu’on appelait alors " l’Empire des cinq
parties du monde". Leur chef, le général Diego Brosset, taillé en
athlète, toujours vêtu d’une saharienne et d’un short, s’est
décrit lui-même en ces termes : "J’entraîne ma
Division comme une compagnie. Je saute sur les chars en marche, j’engueule
Pierre et Paul, je dis merde aux obus et on avance. Je ne serai jamais un
vrai général mais ma division est une vraie division ".
Le 18 Août, le Groupe de Commandos d’Afrique a
enlevé la forte batterie de Mauvannes. Dépassant la ligne atteinte par
les Américains, Brosset attaque le 20.
A droite, le Bataillon de Marche n0 5 du
capitaine Bernard (brigade Garbay) enlève le Mont-Redon, charnière de la
défense, et repousse toutes les contre-attaques. Le B.M. 1l du capitaine
Boucard, appuyé par le Bataillon de Marche Nord-Africain (22e B.M.N.A.)
du capitaine Lequesne se heurte aux casemates bétonnées des Pousselons.
A la gauche de la Division Brosset, le B.M. 21 du
capitaine Oursel et les Fusiliers-Marins du 4e Escadron (lieutenant de
vaisseau Langlois), traversent le Gapeau et s’infiltrent dans la ville d’Hyères.
Mais la 4e Brigade du colonel Raynal se heurte à l’immense bâtisse du
Golf Hôtel, transformée en forteresse. Plusieurs assauts sont
repoussés.
Enfin, le 21, après un tir de plus de 500 obus
déclenché par l’artillerie divisionnaire (colonel Bert), les 160
survivants allemands cèdent devant l’attaque d’une Compagnie du
Bataillon du Pacifique (capitaine Magendie).
La ville d’Hyères est entièrement libérée par les
marsouins du B.M. 21 et du B.M. 24 (capitaine Dulbecco). Le 1er Bataillon
de légionnaires du commandant de Sairigne (Brigade Delange) atteint le
Mont-des-Oiseaux.
Le peloton Chatel du 2e Escadron de Fusiliers-Marins
(lieutenant de vaisseau Alain Savary) établit en combattant la liaison
avec la 9e D.I.C. le long des rives du Gapeau.
LA 9e D.I.C. FONCE VERS TOULON
La 9e Division d’Infanterie Coloniale (9e D.I.C.) ne
dispose au début que d’un bataillon renforcé du 6e Régiment de
Tirailleurs Sénégalais (6e R.T.S. colonel Salan). Elle est appuyée par
un détachement blindé de la 1ère D.B. commandé par le Chef d’Escadrons
de Beaufort.
Mais la réussite rapide des premiers débarquements
sur les plages a permis d’avancer de 48 heures l’arrivée du deuxième
échelon de la 9e D.I.C. ayant à sa tête lie général Magnan lui-même.
Ce dernier est chargé par de Lattre d’agir à la droite de la 1ère
D.F.L. par Solliès-Pont, la Farlède et la Valette. Le 20, le
sous-groupement Salan livre de durs combats à Solliès-Pont et subit le
feu de l’artillerie allemande.
Le 21, un bataillon enlève à l’abordage (Infanterie
de Marine oblige !) Solliès-Ville et la crête de la Chapelle Notre-Dame
qui domine la plaine. Un autre bataillon traverse dans la vallée du
Gapeau des barrages de barbelés défendus par des nids de mitrailleuses.
La brèche est faite. Les blindés de Beaufort se ruent vers Toulon qui n’est
qu’à 14 kilomètres. A la Farlède, le peloton Destremeau voit son
premier char détruit. Derrière la petite colonne française, les
Allemands abattent des platanes. Cette tactique des abattis, ils l’utiliseront
de Toulon à l’Alsace et au Danube.
Pour dégager les chars, une opération d’infanterie
doit être montée mais huit de nos blindés moyens restent sur le
terrain. Cela n’entame pas l’ardeur des attaquants. Le capitaine de
Pazzis fonce vers la Valette avec un peloton de chars légers et quelques
chars moyens. A 16 heures, il franchit la Pierre Ronde. A 19 heures 15, il
est dans la Valette, radio en panne, à bout d’essence et de munitions.
Pendant 48 heures, ses chars embossés dans le village, tiendront dans
leur conquête encerclés par les Allemands.
Pendant ce temps, le Groupe de Commandos réalise un
nouvel exploit : il s’empare du fort
du Coudon, admirable observatoire à l’Est de Toulon, le capitaine
Ducourneau et ses hommes escaladent à la corde les murs du fort puis
nettoient les galeries à la grenade. Quand l’ennemi capitule, on ne
trouve que six Allemands encore valides. Le lieutenant Girardon, un des
héros de l’assaut, a été tué. Depuis lors, le fort du Coudon porte
son nom.
LES RAIDS DE LA DIVISION MONSABERT
Pour le général de Monsabert, pris comme devise : la
vitesse prime tout. De Lattre l’a décrit dans son ouvrage : "Petit,
râblé, immuablement fidèle à la tenue française des Officiers
Généraux, il a l’allure d’un cadet de Gascogne, bouillonnant de
dynamisme". Ses subordonnés et ses soldats en ont à
revendre du dynamisme. Ils l’ont prouvé en Tunisie et en Italie, du
Belvédère à Rome puis à Sienne.
Sous les ordres du colonel de Linares, commandant le 3e
R.T.A., c’est le Groupement Tactique n0 1 de la 3e D.I.A. qui
est engagé dans la manoeuvre d’encerclement. Sous les ordres directs du
colonel marchent, outre son régiment (moins un bataillon), un escadron de
reconnaissance du 3e R.S.A.R., la 1ère Compagnie du 83e Génie, des
artilleurs du 61e R.A. et du 65e R.A.A. et la 1ère Compagnie médicale
ainsi que quatre groupes de résistants de Cuers.
D’autres éléments, entièrement motorisés
ceux-là, débouchent le 19 août de Puget-Ville, sous les ordres du
Lieutenant-Colonel Bonjour, Commandant le 3e R.S.A.R. (Régiment de Spahis
Algériens de Reconnaissance).
Ils dépassent Mèounes, Signes et se heurtent au Camp
à un fort bouchon allemand, composé d’élèves sous-officiers qui se
battent avec acharnement. Ce raid de 80 kilomètres isole Toulon de
l’arrière-pays au Nord. Il préfigure aussi la marche sur Marseille
puisque le Camp est à égale distance des deux grandes villes.
Bonjour reçoit en renfort une partie du 2e R.S.A.R. et
le 7e Bataillon R.T.A. (Régiment de Tirailleurs Algériens, colonel
Chappuis).
Dans la matinée du 20 août, le colonel Bonjour s’empare
du carrefour du Camp puis se rabat sur Toulon par la Nationale 8. Les
Spahis du 3e R.S.A.R. enlèvent le village du Beausset où le rejoint avec
ses T.D. (tank-destroyers) le 7e Chasseurs d’Afrique du
lieutenant-colonel Van Hecke, formé avec les jeunes gens des Chantiers de
jeunesse d’Algérie.
Une partie du 7e R.C.A. et un escadron du 2e Spahis
Algériens descendent du Beausset jusqu’à la mer. Ils arrivent sur la
plage de Bandol et subissent le feu des batteries allemandes mais la route
côtière est bien coupée. Toulon est complètement dans la nasse.
Le 21 au matin, le 3e R.S.A.R. et un escadron de T.D.
du 7e R.C.A. s’emparent de Sainte-Anne d’Evenos. Trouvant les gorges d’Ollioules
minées, ils sont obligés d’emprunter un autre itinéraire, indiqué
par l’enseigne de vaisseau Wassilieff, un marin devenu spahi pour les
besoins de la cause. Le chef d’escadrons Mauche s’engage dans la
montagne, neutralise au passage le fort du Pipaudon, traverse en trombe le
Broussan et arrive aux Pomets. Le voici dans les faubourgs de Toulon.
Il n’y est pas seul : les tirailleurs de
Linarès ont investi la région de Belgentier, Montrieux le Jeune et
entrepris de grimper sur le massif désertique du Grand Cap.
Souvenez-vous, c’est le cadre du roman de Claude Farrere "La Maison
des Hommes vivants". Les guides de la colonne sont des F.F.I. ainsi
que l’enseigne de vaisseau Sanguinetti, parachuté en France, (qui est
passé par là en sens inverse pour gagner Cogolin) et quelques moines du
couvent de Montrieux. L’itinéaire est malaisé à suivre dans les
garrigues collinaires ; aussi, le commandant de Rocquigny (1er Bataillon)
fait dérouler de temps en temps du papier hygiénique (made in U.S.A.)
pour marquer la route. "Un véritable rallye-paper",
écrira-t-il dans son compte-rendu.
Le 20 Août à 9h 30, deux compagnies du 3e Bataillon
(commandant Ruault) dévalent sur le Revest-les-Eaux. La surprise est
totale, la Feldgendarmerie allemande fait tranquillement son marché. Le
village est enlevé après un accrochage, auquel participent des F.F.I. Au
Sud, les Allemands se ressaisissent. Ils tiennent le hameau de Dardennes,
la Chapelle des Moulins et surtout, énorme obstacle, la Poudrière de
Saint-Pierre.
Le 1er Bataillon, lui, est passé entre le Mont Caume
et le Baou de Quatro Ouro, ces sommets caractéristiques du Nord-Ouest
toulonnais. Il s’empare du carrefour Quatre-Chemins des Routes, isole la
Poudrière qui résiste toujours et occupe les lisières de l’Oratoire
où les blindés de Bonjour, auxquels se sont joints les "bonnets de
laine" du Bataillon de choc (Créé par le colonel
Gambiez, resté provisoirement en Afrique du Nord. Cette unité est
commandée par intérim par un Officier de l’Armée de l’Air, le
capitaine Hériard-Dubreuil.) que Monsabert vient de placer sous
les ordres du colonel de Linares, arrivent à point nommé pour détruire
un nid de mitrailleuses. Ainsi les détachements de Bonjour et de Linares,
le raid motorisé et le rallye pédestre, ont mordu dans le flanc de la
défense allemande.
Derrière le Faron, la lutte est ardente le hameau de
Dardennes conquis le 20 après-midi par la 10e Compagnie du 3e R.T.A. doit
être évacué dans la soirée sous la pression ennemie ; il sera repris le
lendemain. Tirailleurs et Chocs s’emparent du Château de la Ripelle.
Chars, Commandos et Tirailleurs s’infiltrent par petits groupes, dans le
tissu urbain.
Un scout-car et deux T.D. rejoignent les Chocs au pont
des Routes que tient le lieutenant Durrmeyer qui est presque chez lui car
sa famille est de Sanary. Cest là qu’est tué l’enseigne Ayral,
ancien chargé de mission de Jean Moulin en zone occupée. Parachuté à
la tête de l’équipe "Gédéon" pour soutenir la mission
SAMPAN, il combattait alors aux côtés des Chocs.
Le 21, l’ennemi déclenche la brusque contre-attaque
mais d’Hyères à Bandol, l’encerclement est total. Il reste dans la
phase suivante à démanteler les positions fortifiées des Allemands.
LES FORCES FRANCAISES DE L’INTERIEUR
DANS LA BATAILLE
Depuis des semaines, les hommes des Groupes Francs
provoquent des escarmouches dans la ville, mais leur chef, Jacques
Bruschini est abattu le 13 août. Le CDL et Salvatori, aidé par Baudoin
et de la Ménardière, préparent l’intervention de la Résistance au
coeur de la cité qu’ils redoutent de voir transformer en camp
retranché par l’ennemi.
Stimulés par l’annonce du débarquement enfin
réalisé, les FFI effectuent sabotages et coups de main dans la ville où
les troupes de l’occupant refluent. Le rugbyman et agent des PTT Joseph
Lafontan est tué le 16 août en sabotant leurs installations. Le 20
août, Salvatori lance l’ordre d’insurrection générale. A partir de
ce moment , les FFI qu’il dirige avec l’aide d’Auguste
Marquis et les FTP font le coup de feu dans les faubourgs (Pont-duLas,
Saint-Jean-du-Var) comme au centre. Le poste de commandement est installé
au 5, Place de la Liberté, non loin de Priséco qui sert de point d’appui.
Les convois allemands sont attaqués. Ses positions
sont harcelées. Dans ces combats multiples, se distinguent les FFI de
Tramoni, Bianconi, Ferrandi, etc. et les FTP de Castel, appuyés par les
Aixois du groupe "Jean Delmas". Les occupants sont réduits à
se replier dans les arsenaux de terre et maritime, ainsi que dans les
différents forts qui ceinturent la ville.
Le 22 août, les commandos du Bataillon de Choc (1°
compagnie du capitaine Carbonnier) s’infiltrent jusqu’au Centre-Ville,
soulageant les Résistants qui commencent à manquer de munitions.
Le 23 août, en fin d’après-midi, les premiers
blindés de la 3° DIA sont sur la place de la
Liberté. Reste à s’emparer des forts avec la 9° DIC,
les FFI participent à ces opérations grâce à leurs connaissances de l’ennemi
et du terrain.
Toulon est libre, le 27 août FFI et FTP
défilent avec la 9° DIC, et les ambulancières de
la Croix-Rouge de Toulon sur le boulevard de Strasbourg, devant le
général de Lattre, les Commissaires Diethelm et Jacquinot, le Général
de Larminat, le Général Cochet, l’Amiral Lemonnier. Les troupes
Françaises ont eu 2.700 tués ou blessés (dont 100 officiers) les
résistants près de 300.
L’ASSAUT FRONTAL
La 1° DFL et la 9° DIC
attaquent à l’Est de Toulon la résistance principale. Pendant que des
éléments de la 3° DIA guidés par des FFI, arrivent par le nord de
Toulon.
Le 22 Août, la 1ère D.F.L. se heurte à la deuxième
ligne de résistance allemande. La brigade Raynal avance vers le Pradet et
la Garde. La Crau est occupée.
L’artillerie ennemi est très active. Les jeeps et
les scouts-cars du 4e Escadron de Fusiliers-Marins et les T.D. du 8e
R.C.A. (colonel Simon) progressent vers le pont de chemin de fer de La
Pauline et le carrefour de la Tourisse. Les pertes sont sévères. Le
soir, l’Escadron Langlois (4e), engagé également
au Pradet, compte 12 tués, 27 blessés et 18 voitures détruites ou
endommagées. Le 2e Escadron (Savary) relève l’Escadron Langlois. Son
premier peloton (Colmay) atteint sans pertes les lisières du village. Une
première attaque de la brigade Raynal sur la Garde échoue, mais à 21
heures, le Commandant Magendie avec son bataillon du Pacifique s’empare
de la ville.
Le 23 Août, le massif du Touart, au Nord-Ouest de la
Garde, résiste à l’assaut de la brigade Garbay. Le B.M. 4 du
commandant Buttin et le B.M. 5 progressent mètre par mètre, appuyés par
les chars légers de l’Escadron Barberot. L’Officier des équipages Le
Goffic, un vétéran de 1940, est tué en maintenant l’avance de l’Infanterie.
La journée a été très dure pour la 1ère D.F.L. qui a perdu 55 hommes
dont 6 officiers et eu 195 blessés. Mais le Pradet et le Pont de la Clue
ont été dépassés. La porte de Toulon est ouverte pour la Division qui
s’infiltre par La Palasse jusqu’à Saint-Jean-du-Var.
LA PRISE DE LA VALETTE
La 9e D.I.C rencontre le 22 août une vive résistance
appuyée par une artillerie efficace. Le groupement Salan occupe la
Farlède. Le hameau des Grands, les points d’appui de Pierrascas et des
Moulières sont enlevés sous un feu meurtrier.
Dix bouches à feu pilonnent le verrou de Pierre-Ronde
où le 2e Bataillon du 6e R.T.S. (commandant Gauvin) combat avec les
blindés. L’avance se poursuit, difficile, jusqu’à la ligne la
Platrière, la Calabro, Chateau Redon. La 9e D.I.C. est aux lisières de
la Valette.
Le 3e Bataillon du 6e R.T.S. (commandant Communal) se
heurte aux positions enterrées du ravin des Minimes. Il occupe la hauteur
de Baudouvin.
Le commandant de Beaufort lance ses chars avec mission
de rejoindre ceux du capitaine de Pazzis toujours encerclés dans la
Valette. Le peloton du lieutenant Rouland est pris sous un feu d’artillerie
intense. Le char "Bretagne" qui marche en tête est soufflé par
un obus et son équipage est capturé par les Allemands. Le commandant de
Beaufort avec deux chars légers rejoint de Pazzis mais derrière lui la
porte se referme.
Le 23, le colonel Salan relance l’attaque de ses
Sénégalais et de tous les chars disponibles. Les équipages luttent à
bout portant pour liquider les snipers allemands. La Valette est
libérée. Les blindés de Pazzis sont dégagés après avoir vécu 48
heures "comme un ver dans le fruit".
Par Beaulieu, une compagnie entre dans les faubourgs
Est de Toulon. Sept automitrailleuses du Régiment Colonial de Chasseurs
de Chars opèrent enfin leur jonction avec le détachement du capitaine
Lefort (3e D.I.A.).
Le R.C.C.C. participe ensuite à la prise du Château
de Font-Pré.
LA PRISE DE LA POUDRIERE
Dans cette course vers le Centre de Toulon, le
groupement de Linares est bien placé.
Le 22 au matin, le détachement du capitaine Le fort,
deux compagnies du Bataillon de Choc plus des canons antichars du 3e
R.T.A. et une patrouille mixte de blindés (3e R.S.A.R./7e R.C.A.)
arrivent au Pont-du-Las Place d’Espagne (officiellement place du colonel
Bonnier), bloquant ainsi la route et la voie ferrée de Marseille.
Dans la journée, tandis que Lefort résiste à de
fortes contre-attaques allemandes où l’acharnement des combats va, chez
les nazis jusqu’à fusiller des prisonniers, la 1ère Compagnie du
capitaine Carbonnier s’infiltre par petits groupes vers le centre ville,
la gare, la place de la Liberté, le boulevard de Strasbourg, et se livre,
avec l’aide des F.F.I. à une série d’actions de guerilla.
Pendant ce temps, la 3e Compagnie (capitaine Lamy) a
gravi la paroi Nord du Faron et fait capituler le fort de la Croix-Faron.
Descendant de la montagne, elle trouve les F.F.I. installés au fort
Saint-Antoine. Le colonel de Linares concentre alors ses efforts sur la
Poudrière qui barre la Vallée du Las.
Dès le 21 après-midi, les canons du 11/67e R.A.
(capitaine Genay) ont porté un coup sensible à l’ennemi en faisant
sauter une des galeries. Le lendemain, les 1er et 3e Bataillons du 3e
R.T.A. encerclent cette véritable forteresse et lui donnent l’assaut
avec l’appui des artilleurs de Genay, des T.D. du 7e R.C.A. et des chars
légers du 3e R.S.A.R. Les Chocs du capitaine Torri, dévalent
le versant Est du ravin de Dardennes. Les premiers assauts des tirailleurs
et des Chocs échouent. A la nuit, le T.D. du sous-lieutenant Laflèche
tire dans la galerie. Ceci fait exploser les munitions et atteint un char
qui prend feu. Les allemands tentent alors une sortie en masse et sont
repoussés. On se bat à la grenade, à la mitraillette, au lance-flammes.
La Poudrière est conquise.
250 cadavres jonchent le sol, 180 allemands sont faits
prisonniers. " C’est un spectacle dantesque,
qui, d’un seul coup, réveille en moi les plus tragiques souvenirs de
Douamont" écrit le général de Lattre.
NOTRE DRAPEAU FLOTTE SUR LA PLACE
DE LA LIBERTE
Le 23 au matin, une violente contre attaque allemande
vers le Pont-du-Las les est stoppée par les Chocs, appuyés par les
blindés du 7e R.C.A. et du 3e R.S.A.R. Les nazis massacrent les
survivants d’une section qu’ils ont encerclée.
Pendant ce temps les F.F.I du capitaine Salvatori,
tiennent toujours de points d’appui un peu partout en ville mais
commencent à manquer de munitions : il faut les dégager. Le colonel de
Linares prend la décision de s’attaquer au centre de la ville.
S’y mêle l’idée bien arrêtée de devancer les
autres divisions au coeur de la cité, lutte courtoise qui amènera les
uns et les autres à se surpasser en se privant volontairement de toute
artillerie d’appui pour ne pas infliger à Toulon des destructions
supplémentaires ce qui provoquera de la part d’un observateur
américain la réflexion suivante :
" Si vous ne vous faites pas précéder par
un tir de barrage roulant (rolling fire), vous aurez beaucoup de pertes
Et m... ! nous sommes chez nous, lui répond un spahi
dont la famille réside au Pont-du-Las "
Sous les ordres du capitaine Lefort, Linares a voulu
rassembler un détachement où toutes les unités entrées dans Toulon
seront représentées. C’est ainsi qu’une section du 3e R.T.A.
(sous-lieutenant Djebaili), la valeur d’une compagnie du Bataillon de
Choc, plus quatre tanks-destroyers du 7e R.C.A. (lieutenant René), deux
chars légers et deux scout-cars du 3e R.S.A.R. avec.., un marin (l’enseigne
de vaisseau Wassilieff), progressent vers Saint-Roch par le chemin de la
Plaisance, au début de l’après-midi. Un T.D. détruit au passage un
blockhaus qui défend la porte Castigneau de l’Arsenal.
En arrivant du Pont de Sainte-Anne, ces éléments sont
pris sous un violent tir de mortier qui stoppe leur avance. Seul, un
scout-car (maréchal des logis Fieschi), un char léger (M.D.L.. Ferrari)
et un T.D. parviennent à franchir ce barrage, accompagnés des
tirailleurs et de quelques Chocs.
Ce sont eux qui atteignent les premiers la place de la
Liberté où un drapeau français, apporté par une jolie toulonnaise, est
planté (Exactement à l’endroit où une plaque
commémorative a été placée) par l’enseigne de vaisseau
Wassilieff. Impassible comme la parade et tiré à quatre épingles selon
son habitude, le sous-lieutenant Djebaili, héros de la campagne d’Italie,
fait présenter les armes. Le Lieutenant René et le M.D.L. Ambrosini (7e
R.C.A.) arrivant à la subdivision y font également flotter notre
pavillon.
Un ultimatum est adressé au commandant de l’Arsenal
le sommant de se rendre. Les Allemands sortent en désordre et soudain la
fusillade éclate. Qui a tiré ? Peut-être des nazis fanatiques qui
voulaient empêcher leurs camarades de capituler.
Des automitrailleuses du R.C.C.C. surgissent de la rue
J.Jaurès. Le combat reprend. Un T.D. du 7e R.C.A. détruit le blockhaus
qui protège la porte principale. Les chocs foncent mais la porte s’est
déjà refermée.
Au même moment, une jeep de la 1ère D.F.L. venant de
l’Est arrive. Le commandant Mirkin est au volant. Liaison est prise.
Mirkin oblique vers le Nord et obtient la reddition de l’Arsenal de
terre avec l’aide d’un peloton du R.C.C.C. car la 9e D.I.C. vient de
percer à son tour.
Quant à la route directe Toulon-Marseille, elle est
ouverte aux forces françaises qui ont pris le Fort de Pipaudon et
dégagé les gorges d’Ollioules. C’est le 2e Bataillon du 3e R.T.A
(Commandant Valentin) et le détachement du colonel Van Hecke (commandant
le 7e R.C.A.) qui ont obtenu ce résultat.
Enfin une compagnie du bataillon de choc (capitaine
Lamy) escalade le Mont Faron par sa face Nord, réputée inaccessible et s’empare
du fort qui couronne le sommet.
LA 9e D.I.C. A L’ASSAUT DES FORTS
Toulon est donc libérée ? Pas encore car l’ennemi
résiste toujours à l’Arsenal et dans les forts. Ce sera la gloire de
la 9e D.I.C. que de les emporter successivement. En effet, au
soir du 23, de Lattre décide de confier au général Magnan la réduction
des forces qui résistent encore à Toulon et à Saint-Mandrier, Monsabert,
avec la 3e D.I.A., se consacrant désormais à la libération de
Marseille. La 1ère D.F.L. de Brosset, après avoir liquidé les gros
îlots qui subsistent dans son secteur, va prendre un peu de repos avant d’être
lancée dans la poursuite de l’Armée allemande, poursuite qui l’amènera
à Lyon le 3 septembre. Magnan ordonne au général Morlière de s’occuper
de la partie Ouest de Toulon tandis que les colonels Salan et Le Puloch
sont chargés de la partie Est.
Le 24 août, après la reddition du Fort
Sainte-Catherine, les Sénégalais et les F.F.I. du capitaine Orsini et du
lieutenant Marquis donnent l’assaut au Fort d’Artigues et aux Arènes
où 34 officiers et 1.000 hommes se rendent au colonel Bourgund.
Les Minimes, à la Valette, qui résistaient
obstinément, se rendent au 6e R.T.S. par l’intermédiaire des quatre
rescapés du char "Bretagne" qui prennent ainsi une belle
revanche !
Le général de Lattre et M. André Diethelm,
Commissaire à la Guerre (c’est-à-dire ministre) décident le 24 août
de faire leur "entrée" officielle à Toulon. Ils emmènent dans
leur jeep le commandant William Bullit, ancien ambassadeur des Etats-Unis,
qui sert dans l’Armée Française.
A partir du Quartier Saint-Antoine, les grands chefs se
trouvent dans la bagarre. Il leur faut traverser la voie ferrée à plat
ventre. Mêlés aux Chocs qui avancent en combattant vers l’Arsenal
Maritime, de Lattre et ses compagnons arrivent avenue Vauban où le
général s’installe à la Subdivision. La municipalité de Toulon a
fait apposer une plaque sur l’immeuble, plaque qui rappelle la devise du
général de Lattre " Ne pas subir".
Au retour, le Commandant de l’Armée Française s’arrête
devant la Poudrière où les galeries sont encore fumantes. Puis il se
rend au chevet des blessés à l’Hôpital de l’Oratoire où l’équipe
chirurgicale des médecins de marine Dupas et Renon opère sans relâche
depuis 72 heures car l’Hôpital Sainte-Anne est encore aux mains de l’ennemi.
Pendant ce temps, la 1ère D.F.L. a achevé l’occupation
de son secteur. Les forts du Cap de Garde, de Carqueiranne, de la Colle
Noire et de Gavaresse capitulent.
Le Fort de Sainte-Marguerite, bombardé pendant deux
jours par l’artillerie et la Flotte, est attaqué par le B.M. 21
(capitaine Fournier). Par l’intermédiaire d’un prisonnier, cet
officier entre en contact avec le capitaine de corvette Franz (de la
Kriegsmarine) qui accepte de se rendre 21 officiers et 647 sous-officiers
et soldats sont faits prisonniers.
Le 21e Bataillon de Marche Nord-Africain s’empare
enfin du Cap Brun où il fait 60 prisonniers. Mais la bataille de Toulon
continue. Le 25 août, la 9e D.I.C. combat au Mourillon et dans l’Arsenal
Maritime où chaque bloc doit être conquis.
Après une première attaque le Fort de Malbousquet
"assommé" pendant 15 minutes par un bombardement d’artillerie,
se rend avant l’assaut des Sénégalais du 4ème RTS. Les 1.400
allemands de Malbousquet défilent devant le colonel Bourgund. De même
Salan a vu sortir du Fort d’Artigues 19 officiers et 485 hommes.
Le colonel Van Hecke reçoit la capitulation du Fort de
Six-Fours et de la batterie de Bregaillon. Mais les "coloniaux"
doivent encore se battre pour occuper la pointe de l’Eguillette, la
batterie de Balaguier et celle du Peyras. C’est la zone où Bonaparte
avait battu les Anglais en 1793, libérant ainsi la rade de Toulon. Cent
quarante sept ans après, l’histoire se répète.
LA VICTOIRE
Il reste une seule position où les Allemands
résistent désespérément : la presqu’ile de Saint-Mandrier ;
l’amiral Ruhfus et son Etat-Major s’y sont réfugiés.
Depuis le 18 août, la Flotte et l’Aviation alliées
bombardent toute la zone. Les pins brûlent et le terrain n’est plus qu’un
immense chaos.
Au soir du 27 août, l’amiral allemand accepte de
recevoir un envoyé du colonel Le Puloch (Régiment d’infanterie
Coloniale du Maroc). Il se résout à capituler.
Le même jour, pendant que le combat fait encore rage,
les troupes françaises victorieuses, soldats de de Lattre et F.F.I. du
Var, défilent sur le boulevard de Strasbourg devant MM. Jacquinot,
Commissaire à la Marine et Diethelm, Commissaire à la guerre, sous les
acclamations de la foule.
Le lendemain 28 août à 9 heures du matin, l’amiral
Ruhfus avec 40 officiers et 1 800 marins prend le chemin de la captivité.
L’AVIATION DANS L’OPERATION DRAGOON
L’appui aérien du débarquement de Provence est
assuré par la Méditerranean Allied Air Forces à direction américaine ;
des unités françaises y sont incorporées. C’est d’abord le
Groupe de Reconnaissance 2/33, armé de Lightning, qui prend une quantité
de photos ; c’est au cours d’une de ces missions que disparaît
Saint-Exupéry.
A près les bombardements américains intenses (1 000
appareils) qui précèdent les débarquement, ce sont essentiellement des
escadrilles françaises qui interviennent dans l’avance de l’Armée de
Lattre, notamment quatre groupes de bombardiers légers Marauder, les
groupes Maroc, Franche-Comté, Gascogrie et Bretagne (ce dernier composé
de vétérans de la France Libre y gagnera sa sixième citation). Ils s’en
prennent aux batteries de Giens, Cuers, Porquerolles et Saint-Mandrier.
Cette dernière, défendue par une Flak (DCA) puissante est également l’objet
de bombardement en semi-piqué exécutés par des Thunderbolts, chasseurs
bombardiers armés par des équipages mixtes Armée de l’Air-Aéronavale.
Enfin des chasseurs Spitfire harcèlent constamment les
communications ennemies et nous assurent la maîtrise de l’Air.
LA MARINE DANS LA BATAILLE
Pour neutraliser les défenses côtières de Toulon, l’appui
des Forces Navales est nécessaire. Il s’agit de museler les batteries
de Porquerolles, de Giens et de Saint Mandrier (Cepet). Cette dernière,
capable de tirer à 40 km avec ses canons de 340 m/m, a obligé les
Alliés à débarquer au-delà de cette portée, à l’Est de Cavalaire ;
les américains l’ont surnommé "Big One".
Le 20 au matin, les croiseurs "Montcalm"
(contre-Amiral Jaujard) et "Georges Leygues", le cuirassé
"Lorraine" et trois torpilleurs américains se présentent
devant Cepet. La "Lorraine" tire avec ses pièces de 340 m/m. A
la troisième et à la quatrième salve, l’avion observateur signale
"But" et "En plein sur le but".
Le "Montcalm" tire sur la batterie de
Fabregas et le "Georges Leygues" sur celle de Saint-Elme. Le
"Montcalm" , encadré, se dérobe. Un
projectile de 138 m/m tiré de Saint-Elme atteint un parc à munitions de
40 du "Georges Leygues" et blesse dix hommes.
De 10 à 1l heures, la "Lorraine" tire sur la
batterie de 164 de Cepet. Son avion d’observation est abattu par la
D.C.A. Le "Malin" a tiré sur les batteries de Giens et de
Porquerolles. Plusieurs fois encadré, il se dérobe derrière un nuage de
fumée.
A 14 heures, une énorme gerbe de 340 à 28.000 mètres
de Cepet annonce qu’une des pièces de "Big One" se réveille.
Le croiseur "Emile Bertin" et le "Fantasque" tirent
sur la batterie de l’Estérel. A 19 heures, le "Bertin" fait
exploser le parc à munitions d’une batterie du Mont des Oiseaux.
Le 21 août, le "Montcalm’ entre en rade d’Hyères
derrière les dragueurs et exécute les tirs demandés par les
observateurs à terre qui marchent avec la 1ère D.F.L. Le
"Bertin" et le "Duguay Trouin" tirent sur des
objectifs dans la région d’Hyères. La "Lorraine" tire sur
Cepet, Saint-lime et Carqueiranne ; Saint Elme reçoit quatre coups
directs. La "Lorraine" voit s’élever des gerbes à 300
mètres du bord. Le "Malin" couvre de rideaux de fumée le
croiseur américain "Philadelphia" puis réduit au silence une
batterie de Giens.
Le 22 août, "Montcalm" et "Georges
Leygues" appuient les assauts menés devant la Garde. Mais Cepet et
la batterie de San Salvadour tirent sur les croiseurs. La
"Lorraine" tire sur le château de Porquerolles et sur Cepet.
Le 23 août, "Montcalm", "Gloire",
et "Georges Leygues" tirent depuis la rade d’Hyères sur les
batteries littorales du Cap Brun, de la Mitre, de Sainte Marguerite et de
Cepet. La "Lorraine" met trois coups au but sur le fort de
Sainte Marguerite.
Le 24 août, le "Georges Leygues" atteint le
fort Saint-Louis au Mourillon. L’effort se concentre sur Saint-Mandrier.
Le "Montcalm, la "Gloire" , le
"Fantasque" se joignent à la Lorraine.. Mais
"Big One" continue à inspirer le respect
et à faire le vide autour des imposantes gerbes de son unique canon en
état de tirer.
Le 26 et 27, tout le monde s’acharne sur Cepet. Le
"Ramillie" anglais, avec ses 380 et le "Duguay Trouin"
avec ses 155 tirent pour la dernière fois sur "Big One". Dans
la nuit du 27, les 1.800 allemands de Saint-Mandrier et leur amiral Ruhfus
capitulent.
La flotte française a dépensé plus de 7.500 obus
pendant cette bataille, neutralisant des batteries de tout calibre ou
appuyant directement les troupes.
Le 13 septembre enfin, cette escadre victorieuse,
suivie de bâtiments britanniques et américains, fait une entrée
triomphale dans la rade de Toulon libérée.
Deux jours après le 15 Septembre, le Général de Gaulle, Chef du
Gouvernement vient passer l’escadre en revue et parcourir une ville
enthousiaste malgré ses profondes meurtrissures.
Huit jours de luttes ininterrompues. De notre côté,
2.700 Français dont 100 officiers tués ou blessés, chez les Allemands
des milliers de cadavres et plus de 1.700 captifs. Un matériel énorme et
un butin de centaines de canons. Finalement, le plus grand port de guerre
de l’Europe Occidentale conquis et ouvert aux Forces Alliées pour
servir de base à de nouvelles victoires.
Ce témoignage suffit à magnifier le courage de nos
soldats. Mais leur fierté légitime ne saurait leur faire méconnaître l’appui
trouvé auprès de la population varoise. Et je ne pense pas seulement à
son accueil exaltant, à sa complicité sympathique, je pense
expressément à l’aide proprement militaire fournie par la fraction
combattante de cette population enthousiaste
Général de Lattre de Tassigny
Commandant l’Armée B
Histoire de l’Armée Française |